Le Cloecher de Lasroudeau

 Ne me parle pas de voyager ! Quand je ne vois plus le clocher de Lasroudeau, je suis perdu. Hé oui! Je sais bien qu'il n'y a pas de clocher à Lasroudeau. Mais nous avons tous un clocher où s'accrochent nos souvenirs d'enfance, un angélus du soir qui égrène le crépuscule de nos vies.

“ Ecoute-moi, je vais te dire une chose. En Creuse, il y a deux sortes de clochers; les clochers pointus et les clochers plats. Les clochers plats, c'est ce qu'on appelle des clochers de maçon, car, il paraît que tout bon maçon est capable d'en construire un. Le vrai nom c'est un clocher-mur. Les clochers pointus sont constitués d'une charpente recouverte d'ardoises ou de bardeaux.

“ Les clochers pointus sont au nord et les plats au sud. Enfin, c'est pas tout à fait vrai ! Il existe un clocher-mur à Bellefay, ancienne commune maintenant rattachée à Soumans, et un autre à La Forêt-du-Temple qui est le plus septentrional du département.


Magnat-l'Etrange

“ La plupart des clochers-murs sont couronnés en fronton parfois percé d'une niche pour une petite cloche, comme à Magnat-l'Etrange. Quand le mur ne se termine pas en triangle, on parle d'un clocher-peigne. Le plus remarquable, avec ses quatre cloches, se trouve à Saint-Quentin-la-Chabanne; il en existe un autre à deux niches à La Forêt-du-Temple.

“ Ce ne sont pas les seuls particularités de ces deux clochers. A Saint-Quentin-la-Chabanne, le clocher est séparé de l'église et ce n'est pas le seul cas en Creuse, le plus connu étant celui de Toulx-Sainte-Croix. Magnat-l'Etrange se distingue avec deux clochers-murs placés à angle droit; la légende veut que l'un ait été bâti par son épouse, pour exaucer le voeu d'un croisé; le second par le croisé lui-même qui, en fait, n'était pas mort mais, seulement, prisonnier.


Saint-Quentin-la-Chabanne


“ Quant aux clochers pointus, leur charpente est le plus souvent recouverte d'ardoises; mais de plus en plus, au gré des restaurations, les ardoises sont remplacées par des bardeaux de châtaignier également appelés tavaillons. Et c'est bien normal. Sais-tu que le dernier fabriquant de bardeaux d'Europe est installé à Bénévent-l'Abbaye ?

“ Les bardeaux sont des plaquettes en bois de châtaignier; ils donnent aux toits qu'ils couvrent cette inimitable couleur argentée qui fait le cachet de nos clochers creusois, mais, aussi, d'édifices aussi prestigieux que le Mont-Saint-Michel.


Chamborand


Gouzon

“ Les jeunes châtaigniers sont abattus en lune descendante, puis débités en rondins. Après séchage, les bardeaux sont taillés à la serpe; chaque bardeaux  mesure environ trente centimètres de long, dix centimètres de large et un à deux centimètres d'épaisseur. L'extrémité visible du bardeaux peut être droite, taillée en pointe ou en demi-cercle pour permettre la réalisation d'effets décoratifs. Posés sur les charpentes ou sur les murs, sous l'effet de la pluie et des intempéries, leur couleur passe peu à peu de "bois clair" à "gris argenté".

“ Les clochers couverts d'ardoises sont, bien sûr, les plus nombreux, mais leur forme est toujours différente, le plus souvent carré, parfois ronds ou en bulbes.

“ Le Grand-Bourg possédait un superbe clocher en dôme recouvert de bardeaux; quatre clochetons entouraient le dôme central. Détruit par un orage, il a été remplacé par un clocher d'ardoises qui ressemble étrangement à celui du Moutier-Rozeille. A Jarnages, à Malval, au Moûtier-d'Ahun, le clocher se trouve au centre d'une sorte de croix grecque aux bras tronquées.



Evaux-les-Bains

“ Les églises importantes s'enorgueillissent de hauts clochers-tours, constructions de pierres à plusieurs étages surmontées d'un clocher à charpente; le plus remarquable est, certainement, celui d'Evaux-les-Bains; il possède cinq étages. Celui de la Souterraine avec sa charpente à pans incurvés semble légèrement déséquilibré. Celui de Felletin possède un très beau porche renaissance.


La Souterraine


Felletin

“ Au moment de la guerre de Cent ans (XIV-XVème siècle) beaucoup d'églises sont fortifiées; des clochers-donjons sont construits à Saint-Hilaire-la-Plaine et à Champagnat.


Saint Hilaire-la-Plaine

” Quand la base du clocher est percée d'une ou plusieurs entrées précédant le portail proprement dit, ils portent le nom de clochers-porches. Il y en a un grand nombre chez nous.

“ Les clochers sont souvent placés à une extrémité de l'église, plus rarement au centre de la nef ou à la croisée des transepts. Exceptionnellement, l'église de Guéret et les deux grandes abbatiales romanes de Bénévent-l'Abbaye et Chambon-sur-Voueize possèdent deux clochers. La lanterne octogonale de Bénévent a une petite histoire. Lors de la restauration de 1873, l'architecte Abadie, crut bon de remplacer le clocher par un cône préfigurant les dômes du Sacré-Coeur de Paris dont il fut le bâtisseur. Le dessin du cône obéit à des proportions de croix celtique basées sur le nombre d'or (1,618). Une récente restauration a coiffé le cône d'une charpente couverte de bardeaux, plus proche du style roman limousin.

“ Il est d'autres clochers remarquables, mais je ne sais pas te les dire tous. A Guéret, la flèche est en pierre, sans doute, parce que ce fut une cathédrale. A Saint-Vaury, il est en béton. Et il y a même des églises sans clocher, comme à Glénic.

“ Tiens, si tu passes à Bénévent ou à la Souterraine, tu regarderas bien les portails des clochers. Ce sont les seuls, en Creuse, à être polylobés; les autres sont à colonnettes. Ce serait, parait-il, une influence de l'art ottoman que des pèlerins auraient rapportés des croisades. Ce n'est pas, non plus, par hasard si ces deux portails sont situés sur un des chemins de Compostelle.

“ Ecoute-moi ! Dans mon idée, un cocher c'est un point de repère, la présence d'un bourg, d'un village; c'est la vie, quoi ! Son coq, bravant les vents, est le bulletin météo du paysan. Sa pendule rythme nos journées; entends ! c'est la demie qui sonne ! Ses cloches marquent les fêtes, annoncent les nouveaux couples, accompagnent nos morts. C'est, quelques fois, le tocsin des grands malheurs, mais aussi la volée joyeuse des armistices. ”

Ainsi parlait mon cousin, à l'ombre du châtaignier où j'imaginais le clocher de Lasroudeau.


encreuse.com
19-aoû-05

Retour au sommaire d'enCreuse        Retour à la page des Communes

Rédaction:
Alain Tixier
(avril 2003 - mai 2003)


Crédit photos: Christine et Alain Tixier, Claude Commergnat (St-Germain-Beaupré), Luc Nadaud (Faux-la-Montagne), Corinne Montculier (Magnat-l'Etrange), Evelyne Mally (Rimondeix).