es neufs Chevaliers du Christ rassemblés autour d'Hugues de Payens pour protéger le Saint Sépulcre, habitaient un palais jouxtant les ruines du Temple de Salomon à Jérusalem. Erigés en ordre de moines-soldats par le concile de Troyes en 1111, ils adoptent la règle et le costume que leur prescrit Saint Bernard, abbé de Citeaux. En quelques années, qui alimentent encore aujourd'hui le mystère des Templiers, leur réputation et leur richesse deviennent immenses. La fortune et l'orgueil des Chevaliers finiront par rendre jaloux Philippe le Bel et, après un long procès, l'Ordre sera démantelé en 1314. Les jeunes damoiseaux des seigneuries qui, plus tard, constitueront la Creuse, n'ont pas échappé au magnétisme des Chevaliers du Temple. Comme de nombreux jeunes nobles de toute l'Europe, ils rejoignent les rangs de ces soldats mystiques, confiant leurs biens aux intendants et contribuant à l'enrichissement de l'Ordre. Sept siècles d'histoire, la vindicte du roi Philippe, la Guerre de Cents ans et les Guerres de Religions ont eu raison de maints prieurés, commanderies et autres manses. Qui plus est, la cohabitation des commanderies templières et hospitalières et le transfert des biens du Temple à l'Ordre de Malte (appelé aussi de Rhodes ou des Hospitaliers de St Jean de Jérusalem) ne permettent pas toujours de savoir si tel ou tel lieu fut, à l'origine, une possession templière. Toutefois, nous allons essayer de parcourir les communes gardant encore le souvenir de cette épopée auréolée du mystère entourant les Chevaliers au manteau blanc frappé d'une croix pattée rouge. Notre première commanderie sera celle de Viviers située sur la commune de Tercillat. Tout au long de l'année, le Domaine du Puy, XVIIIème siècle, organise des spectacles et des veillées. Informations au 05.55.80.50.44. La commanderie possédait des biens sur plusieurs autres communes des alentours. A la Forêt du Temple (Domus fratrun de templo forest) le commandeur possédait une résidence, des terres, un moulin, un étang, des granges et une forêt. L'église du XIIème, ancienne chapelle des Templiers a été reconstruite en 1872 par les habitants eux-mêmes. Le clocher-mur est le seul existant au nord de la Creuse. A la sortie du bourg, les Ateliers Maitre découpent du granit et du marbre au micron près; ces pièces sont destinées à l'industrie automobile et aéronautique. A Nouziers, il reste une église romane du XIème qui fut un prieuré de l'Ordre. A La Cellette, l'église date du XIIème siècle. Le chevet est curieusement décoré de corbeaux sculptés. Près de l'église se trouve une très belle croix sculptée. La commanderie possédait une manse au hameau du Temple sur la commune du Bourg d'Hem. Le bourg a servi de pseudonyme à Pierre Maillaud dit Pierre Bourdan, qui fut
la voix de la France Libre à la BBC pendant la guerre. Derrière l'église du XIIème dédiée à Saint Julien de Brioude, face à un superbe panorama sur la vallée de la Creuse, un
buste rend hommage à l'enfant du pays. Une autre manse se trouvait au Temple sur la commune de Villard. L'église est d'époque romane; elle abrite des pierres tombales de prêtres et des fresques du XIVème. Notre deuxième visite sera pour la commanderie de Paulhac, la plus importante de Creuse. Autrefois commune, le village est maintenant rattaché à
la commune de Saint Etienne de Fursac. Les bâtiments de la commanderie ont été détruits au cours des guerres de religion; seule, subsiste la grande
église du XIIIème de forme rectangulaire, sans abside ni transept, si caractéristique des églises de l'Ordre. C'est là qu'avaient lieu les adoubements des commanderies voisines de Blaudeix et de Chambéraud. A découvrir sur RdV auprès des offices de tourisme de Fursac: 05.55.63.69.80 et Bénévent l'Abbaye: 05.55.62.68.35. La commanderie disposait de biens éparpillés sur diverses communes. A Saint Etienne, le long de la Gartempe, un lieu porte encore le nom de Moulin du Temple. En 1245, Guillaume du Masgelier devenu chevalier du Temple donne à l'Ordre son château de Montigou, les terres et les hommes qui y sont attachés. L'église de Saint Priest la Plaine appartint à l'ordre des Templiers avant d'échoir en 1312 à celui des Hospitaliers. Le mur nord du choeur (à gauche en entrant, quand l'église est ouverte !) supporte une peinture murale du XVème. Classée monument historique en 1953, elle a été récemment sauvée de l'abandon. Fleurat était un prieuré dépendant de Saint Priest la Plaine. L'église a été fortifiée mais le chemin de ronde a disparu; elle est couverte d'un voûte romane lambrissée. Des restes gallo-romains (bassin, aqueduc), ont été découverts au hameau des Boueix (les Buis). Saint Priest la Feuille abritait une autre dépendance de la commanderie de Paulhac. Une petite promenade nous mène au menhir de la Rebeyrolle et surtout au curieux dolmen de la Pierre Folle constitué d'une table hémisphérique reposant sur quatre piliers. De la dépendance de la Croix de Mazeyrac (aujourd'hui Lascroux), sur la commune du Grand-Bourg, il ne reste que le portail de la chapelle devenu, au fil du temps, celui d'une maison. La troisième commanderie que nous visiterons sera celle de Charrières sur la commune de Saint
Moreil. Niché à flanc de colline, avec ses maisons couvertes de tuiles, le joli bourg de St Moreil annonce déjà la Haute Vienne. L'église date du XIIème siècle; près de l'édifice
on peut admirer un curieux cadran solaire. Bourganeuf fut un temps partagé entre les deux ordres rivaux. La présence des Chevaliers à la croix pattée est attestée par le don d'une statue miraculeuse que fit Roger de Montgénier, seigneur du Puy en Velay, aux Templiers de Bourganeuf en remerciement de sa libération des prisons des infidèles. La statue est toujours visible dans la chapelle du Puy, reconstruite au XVIIIème pour remplacer la chapelle en ruine des Templiers. D'autres documents indiquent la présence d'une commanderie des Hospitaliers de Saint Jean au "Bourguet neuf", dès 1195. Le corps de bâtiment de l'Hôtel de Ville, la Tour Lastic et la Tour de Zizim, prince exilé et captif, permettent de se rendre compte de l'importance de cette commanderie qui fut au XVème au XVIIIème siècle, le siège du Grand Prieuré d'Auvergne sous le règne de Pierre d'Aubusson et de ses successeurs. Bourganeuf possède une gare désaffectée qui relie la ville à ligne Bordeaux-Genève. L'ancienne sous-préfecture
fut une ville industrielle importante: deux mines de charbon situées, l'une au nord, en partie sur la commune de Bosmoreau les Mines l'autre au sud, au village de Bousogles,
s'étendant sur les communes du Faux Mazuras et de Saint Junien la Bregère, mais aussi une
usine de porcelaine (la seule en Creuse), trois papeteries, une fabrique de meubles. En 1886, la cité fut la première au monde à être éclairée par l'électricité produite à la Cascade
des Jarraux (commune de Saint Martin Château) située à 15 kilomètres de là. La commanderie de Charrières avait une autre annexe à Saint Pardoux-Morterolles. Un rectangle sans transept ni chapelle, éclairé de hautes fenêtres ogivales, voilà bien un exemple de l'architecture austère des églises templières. Seul, le portail avec ses moulures et sa frise apporte un peu d'ornement. Sur la commune de Chambéraud se trouvait une commanderie qui appartenait plus sûrement à Malte qu'au Temple. De cette ancienne commanderie, il ne reste
qu'un château en ruines et l'église du XIIIème autrefois dédiée à St Jean, patron des Hospitaliers. Ce bâtiment est remarquable par son autel en bois du XVIIème, ses vitraux
du XVIème et ses voûtes ogivales en chêne remontant au XVIIIème siècle. Les annexes de la commanderie de Chambéraud étaient réparties sur cinq communes. Près de Fransèches, au village Masgot, il faut aller voir les sculptures de François Michaud, notre "Facteur Cheval". Paysan et sculpteur autodidacte, il a décoré sa maison, ses champs et le bourg de sculptures sur granit naïves, mais pleines d'émotions. Les "Amis de la Pierre de Masgot" organisent, tout au long de l'année, des visites et des animations. Informations au 05.55.66.98.88. A la Pouge, on découvre un joli point de vue sur la vallée du Taurion. L'église St Thomas de Cantorberry à Sous-Parsat était une dépendance de la commanderie. Cette église est surtout connue et visitée aujourd'hui pour les étonnantes fresques et vitraux du peintre Gabriel Chabat. A Saint Sulpice les Champs, la commanderie possédait une chapelle et un moulin. C'est dans cette commune que naquit le truculent Dr Jamot vainqueur de la maladie du sommeil;
une stèle lui est dédiée. Enfin, l'église romane de Lépinas est un ancien prieuré de Chambéraud. La commanderie de Chambéraud voisinait avec celle de Maisonnisses. Après le procès de 1314, elle revint à l'ordre des Hospitaliers. L'église du XVème a remplacé une chapelle construite sur une crypte; elle abrite le gisant d'un commandeur de Malte. Les dépendances de cette commanderie occupaient deux communes. L'église de Savennes est la seule de Creuse à ne pas avoir de fonds baptismaux. Un cimetière gallo-romain à été mis à jour au hameau de Reillac. Le village et les terres de Pétillat sur la commune de Peyrabout appartenaient aussi à la commanderie de Maisonnisses. Sur ces terres isolées des grandes routes, se trouvent les sources de la Gartempe et le Bois du Thouraud, où se constitua et fut massacré le premier maquis creusois. Nous redescendons maintenant vers la commanderie des Féniers au sud du département; elle possède encore une chapelle d'une commanderie de Malte. Un tumulus et les restes d'une voie romaine ont été découverts non loin de là. Deux communes étaient rattachées à cette commanderie. A Faux la Montagne, l'église du XIIème est
une ancienne chapelle templière récupérée par l'ordre de Malte. Le Bois de la Feuillade cache un château ruiné qui appartenait à la famille d'Aubusson. Un immense dolmen se trouve à Laudorat. Gentioux appartenait également à la commanderie de Féniers. L'église templière du XIIème, plusieurs fois remaniée
possède dans le choeur un bas relief représentant l'écu de Louis d'Aubusson, commandeur de l'Hôpital en 1421. Sur la route menant à Vassivière, se trouvent les restes d'une commanderie. Entre Gentioux et Pigerolles, le village du Pallier est un haut lieu templier en Creuse. La chapelle date du XIIème; elle possède un clocher-mur du XVème. Derrière l'église, dans le cimetière, on peut admirer une croix biface et plusieurs pierres tombales du XVIème. Un jardin médiéval abrite des essences rares et des plantes orientales. Informations à la Maison des Chevaliers au 05.55.67.91.73. Gentioux-Pigerolles est la seule station de ski du département; elle possède trois pistes de ski de fond. C'est sur le territoire de cette commune que la Maulde prend sa source avant d'alimenter le lac de Vassivière. Enfin, il ne faut pas quitter Gentioux sans aller voir les ruines du célèbre pont romain de Senoueix sur le Taurion. La commune de Croze abritait la très importante commanderie Sainte Anne. Les étonnants chapiteaux de l'église du XIIème illustrent une chasse au sanglier. Au milieu de sa prairie, La petite chapelle du Mas-Laurent n'est pas sans rappeler les petites églises qui parsèment les landes irlandaises. Les nombreuses dépendances de cette commanderie s'étalaient sur tout le sud-est du département. Elle possédait une chapelle au village de Boucheresse sur la commune de Clairavaux. Autrefois, le lieu portait le nom de Puyravaux. L'église du bourg date du XIIème avec une chapelle du XVème. Elle possède un portail renaissance ce qui est assez rare dans le département. A Malleret, les chevaliers disposaient d'un moulin qui au cours des siècles devint une minoterie relativement importante. La commune a gardé, de son histoire, des vestiges de châteaux, à Ségourzat et Galmaux et une jolie croix fleurdelisée décorée de petits personnages. Quelques manses étaient cultivées sur la commune de la Courtine.
Le camp militaire, créé en 1902, fit la réputation du bourg. Les troupes hollandaises de l'OTAN y ont stationné de nombreuses années; leur départ, en 1966, a porté une rude coup à la commune. Saint Merd la Breuille faisait également partie des possessions de la commanderie Sainte Anne. L'église reconstruite au XVIème siècle a peut être remplacé une chapelle templière. Il existe un tumulus au hameau de Maneux. La chapelle de Salesse sur la commune de Flayat était un prieuré templier; elle possède une jolie croix sculptée. L'église dédiée à St Martin date du XVIème siècle. Saint Clair semble être un ermite local; un puy porte son nom ainsi qu'une statue, une chapelle et une fontaine dont l'eau est réputée pour rendre la vue aux malvoyants ... Une autre dépendance se situait au Montel du Temple sur la commune de Lioux les Monges. "Les Monges" est un vieux mot français signifiant "Les Moines". L'église du XIIème et du XIVème possède un clocher-mur. La commanderie avait une annexe au Naberon et une autre à Montel Guillaume que le bois d'Urbe sépare de Crocq. Cette magnifique forêt cache un dolmen qui
sert de toboggan aux jeunes filles en mal d'épousailles; ses vertus sont tant admirables qu'une reproduction du bienfaiteur a été érigée sur le parvis de l'église. Le château, dont les deux tours dominent
le bourg appartenaient aux Comtes d'Auvergne. L'église de Rimondeix dépendait de la commanderie de Blaudeix. Le trésor de l'église du XIIIème est constitué d'une chasse en cuivre doré avec des émaux champlevés. Blaudeix n'était peut-être qu'un prieuré annexe de la proche commanderie de Lavaufranche, haut lieu touristique du département. La commanderie
appartenait à l'Ordre des Hospitaliers. Fut-elle templière à un moment ou l'autre de son histoire ? La question reste posée. Ici s'arrête notre voyage médiéval. Même s'il n'a pas levé le voile sur les mystères entourant cette époque, il nous a juste permis de voyager à travers une trentaine de communes et quelques villages souvent oubliés des guides touristiques. La liste des communes a été reconstituée à partie du "Dictionnaire Topographique, Archéologique et Historique de la Creuse" de André Lecler, Ed. Jeanne Laffitte.
Crédit photos: Christine et Alain Tixier, enCreuse.com (Seinoueix, Pallier) Luc Nadaud (Faux-la-Montagne)
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