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Une réponse à l'article du Monde diplomatique
Par Francis Duchiron - Février 99 -

Ce texte est parfois surprenant. Je pense qu'il est volontairement provocateur de manière à déclencher un débat constructif sur ce thème. En effet, à côté de choses parfaitement exactes, j'ai relevé quelques aberrations scientifiques. Il est donc nécessaire de faire le tri. Je ne sais pas qui est JP BERLAN, mais je connais (de réputation) RC LEWONTIN, un généticien spécialiste de génétique des populations.

D'abord les points de controverses :

Le brevet Terminator existe bel et bien. Il est effectivement la propriété de Monsanto. Mais les auteurs de l'article du Monde diplomatique, ne donnent pas la raison du développement de cette technologie qui a bien (comme ils le disent) pour effet de rendre stériles les graines issues d'une culture de plantes transgéniques. Cette technologie a été développée à la demande des instances de régulations des OGM afin d'empêcher leur dispersion aléatoire dans la nature. Mais cela a pour conséquence d'empêcher l'agriculteur de réutiliser ces semences. En d'autres termes le principe de précaution demandé par les écologistes (au sens politique de ce terme) se retourne contre les utilisateurs de ces semences. Il ne serait venu à l'idée de personne de mettre au point cette technologie si elle n'avait pas été demandée expressément par les anti-OGM... Monsanto vient d'ailleurs d'annoncer qu'il renonçait à utiliser cette technologie.

C'est à propos de ce que disent les auteurs de l'article au sujet de l'hétorosis ou valeur hybride que je serai le plus sévère, car ce n'est pas une pratique de firme mais une réalité scientifique incontournable, déterminée par des lois génétiques. De plus il est faux de dire que les graines issues de la culture des hybrides sont stériles. Elles ne sont pas stériles mais donnent simplement de moins bons rendements (au pire équivalents au rendement des lignées mères ayant servi à la fabrication des hybrides, et plus souvent une valeur intermédiaire). Cet hétérosis existe chez toutes les espèces vivantes supérieures (c'est-à -dire qui sont diploïdes). Il s'agit d'un phénomène bien connu. Ainsi chez l'homme les mariages consanguins augmentent le risque de maladies héréditaires (en faisant baisser l'hétérosis). C'est vrai aussi chez les plantes : plus son degré d'hybridation sera fort plus la plante sera vigoureuse et aura un rendement élevé. C'est cela la valeur hybride. Et comme dans la nature les plantes ont une fâcheuse tendance à s'autoféconder, les graines issues de ces plantes sont plus "consanguines" que leur parents. Seuls les sélectionneurs peuvent préparer des hybrides en empêchant l'autofécondation. L'autre méthode pour développer des variétés est de développer les lignées pures, c'est-à-dire des lignées homogènes au plan génétique et dont les graines sont donc identiques aux parents, c'est la stratégie qui a été développée pour le blé car pendant longtemps on n'a pas su faire des hybrides de blé à grande échelle (on commence tout juste à savoir),. Cette technique est beaucoup plus longue et fastidieuse. Elle nécessite des croisements répétés et choisis pour homogénéiser le patrimoine génétique d'une variété en éliminant les gènes dits" nocifs" et en sélectionnant les gènes dits "avantageux" (qui ne sont pas toujours les mêmes en fonction des variations géologiques et climatiques locales). Poussé à son extrême chez les espèces animales, c'est une technique "fasciste" car c'est exactement ce que voulaient faire les médecins nazis : pour obtenir la" pureté aryenne", ils voulaient éliminer les races décrétées "inférieures" et détruire les hybrides. Je ne pense pas que les auteurs de cet article veuillent être des apologistes de la doctrine nazie, mais c'est pourtant ce qu'il font en niant la valeur scientifique de l'hybride donc de l'hétérosis).

Les points positifs de l'article sont de deux ordres :

Les points positifs de l'article sont de deux ordres : Il est exact qu'il n'existe pas aujourd'hui de scientifiques rigoureusement indépendants, ils sont tous liés à des lobbies soit par des contrats industriels soit par des contrats avec des associations écologistes politiques (comme Greenpeace). Pourquoi cela, tout simplement parce que dans tous les pays l'état a cessé de financer la recherche publique qui doit de plus en plus s'autofinancer c'est-à-dire trouver ses propres ressources par des contrats externes (à titre d'exemple, dans mon laboratoire, nous sommes 8 personnes et il n'y a que 2 permanents payés par l'Etat (dont moi qui suit donc un privilégié de cochon de fonctionnaire) . Patron du labo, je dois trouver le financement des 6 autres emplois temporaires au moyen de contrats externes, de même que l'argent nécessaire au fonctionnement. Dans ces conditions il est difficile de trouver des scientifiques indépendants. Seuls ceux qui viennent de prendre leur retraite peuvent l'être car il sont encore compétents et n'ont plus de contraintes financières. Or des scientifiques indépendants sont les seuls à pouvoir présenter une information objective. (N'intervenant pas en biologie végétale mais uniquement en microbiologie, j'espère avoir conservé une certaine objectivité dans le domaine). Comme les auteurs de l'article je pense aussi qu'il faut se battre pour rendre la "brevabilité" du vivant impossible. Nous ne devons pas suivre l'exemple des USA qui sont prêts... à breveter l'homme ! ( j'exagère à peine). Les Monsanto et Novartis actuelles, ne doivent pas oublier qu'elles doivent leur prospérité à la libre circulation génétique. Empêcher cette dernière par la brevabilité est une vue à court terme qui est selon moi dangereuse à long terme, car elles se verront alors privées de l'ensemble des ressources génétiques de la planète dans laquelle elles puisent librement aujourd'hui. Mais ce qui est rassurant c'est qu'il est impossible d'empêcher la circulation de l'information génétique : un peu d'ADN voyage parfaitement de manière anonyme dans une simple lettre, sans conditionnement particulier. Il suffit d'adsorber l'ADN sur une membrane et il reste stable des années à température ambiante. Pour réaliser un transfert génétique quelques ng (nanogramme) sont suffisants et il y a longtemps que les généticiens de tous pays échangent ainsi sans aucun contrôle possible (sauf à ouvrir toutes les lettres) !




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