Introduction
Alors
que se développe le débat sur l'acceptation
des OGM (Organismes génétiquement
Modifiés), il apparaît que certains des acteurs
de ce débat ignorent ce qui se cache derrière
ce terme. Pour moi beaucoup des problèmes et
questions posées proviennent de la
méconnaissance de ce sujet et donc de la peur
qu'engendre toujours l'inconnu. Je vais essayer de
préciser les différents axes et
thématiques que l'utilisation de ces techniques
impliquent, ainsi que leurs conséquences
prévisibles au plan médical, agro-alimentaire
et environnemental.
Définition
Qu'est
ce que la transgénèse ? Il s'agit de la
possibilité de faire exprimer une partie du
patrimoine génétique d'un organisme
(qualifié d'organisme donneur) par un autre organisme
d'une espèce différente (organisme
hôte). Cette technique permet donc des échanges
génétiques entre des espèces que
l'évolution a séparées. Ce point, qui
est souvent présenté sommairement est à
nuancer fortement. En effet la transgénèse ne
génère pas d'hybrides contre nature, ceux-ci
ne seraient de toute façon pas viables ; il s'agit de
transfert limité d'un ou tout au plus de quelques
éléments génétiques qui vont
entraîner la modification de quelques aspects
limités de l'hôte. Or ce type de transfert
interspécifique existe dans la nature via certains
virus (le virus de la grippe est ainsi susceptible de faire
passer du matériel génétique entre les
oiseaux, les porcs et les primates (dont
l'homme).
Comment
ça marche
La
transgénèse n'est possible que parce que
l'ensemble des êtres vivants (au moins sur la
planète Terre) parle la même langue au sens
génétique. Jacques Monod disait " ce qui est
vrai pour le colibacille est vrai pour
l'éléphant " ; le code génétique
est universel et commun (il y a bien quelques petites
variantes, mais pour rester dans l'analogie linguistique ce
sont des accents comme l'accent québécois,
marseillais ou parisien, il y a des différences mais
tout le monde se comprend). Ceci implique que si vous donnez
à lire à un colibacille un morceau du
patrimoine génétique de
l'éléphant il est capable de le lire, de le
comprendre, et donc d'effectuer les instructions
qu'indiquent ce fragment. Mais vous allez me dire que dans
la nature cela ne se produit jamais ! Ce n'est pas si
évident. Il y a des colibacilles parmi la flore
digestive de l'éléphant et il semble bien que
certains échanges aient lieu de manière
naturelle avec des fréquences extrêmement
basses:10 puissance-12 ou moins, ( il n'y a pas 10
puissance12 éléphants sur terre
(çà se saurait) mais 10 puissance12 est
à peu près le nombre de micro-organismes par
gramme de contenu intestinal).
Un
peu d'histoire
C'est
au début des années 1970 que les
premières expériences de
transgénèse ont été
réalisées chez le colibacille par 3
chercheurs, 2 américains (Boyer et Cohen), et un
français (Rambach, élève de Monod
à Pasteur). Ces chercheurs ont pour la
première fois réussi à faire exprimer
dans le colibacille un gène c'est-à-dire une
séquence d'ADN (acide
désoxyribonucléique) provenant d'un autre
micro-organisme. Ce type d'expériences s'est
très vite généralisé et est
devenu un outil classique d'étude du monde microbien
et au plan appliqué pour transformer les microbes en
usines à molécules. Mais dès cette
époque les chercheurs ont pris conscience de ce
qu'ils faisaient et en 1973 était
décrété un moratoire sur ces
expériences lors de la conférence d'Azilomar,
afin d'établir des règles d'éthiques.
C'est à la suite de ce moratoire qu'on
été définies les règles
actuelles pour ce type de travaux, et il est important de le
signaler, à la seule initiative des chercheurs qui
ont demandé qu'on leur impose des règles
à respecter. Ce moratoire a duré 6 mois et
très vite les techniques se sont
perfectionnées et ont permis la
transgénèse de la totalité des
espèces vivantes.
Un
peu de technique
Pour
réaliser une transgénèse plusieurs
conditions sont nécessaires :
1/
disposer d'un ADN donneur
La première étape consiste à
préparer l'ADN, pour cela par des techniques assez
simples on extrait l'ADN de la cellule qui contient
l'information désirée. Si extraire l'ADN total
d'une cellule est relativement simple, identifier le
fragment (gène) qui porte l'information
recherchée est toujours plus délicat. Aussi la
première étape consiste à
réaliser ce que l'on appelle une banque de
gènes. Pour cela on introduit l'ADN extrait par
petits morceaux dans des cellules bactériennes (le
plus souvent le colibacille), et ensuite on teste ces
cellules une à une afin de déterminer la bonne
cellule, c'est-à-dire celle qui contient le
gène désiré. Pour cela diverses
techniques de criblages existent, et il est courant de
cribler plusieurs milliers de clones avant de trouver le
bon. Les firmes spécialisées
considèrent un délai de 3 semaines comme
raisonnable pour trouver le bon gène en absence de
problème particulier (certains gènes sont
beaucoup plus longs à obtenir). Le clone (nom
donné à la cellule bactérienne (ou
autre) isolée après criblage) contenant le
gène identifié, il est alors très
aisé d'en extraire le gène, de le purifier, et
éventuellement le modifier pour qu'il puisse
s'exprimer correctement (corriger les différences
d'accents pour revenir à la comparaison
linguistique).
2/
choisir un hôte
C'est-à-dire définir le type d'organisme
dans lequel on souhaite faire exprimer ce gène. Une
plante, un animal, une bactérie, un champignon, en
fait n'importe quel type de cellules vivantes peut servir
d'hôte. Il n'existe plus aujourd'hui d'organismes ou
cette technique ne soit pas possible. Le choix ne
dépend que des contraintes lié à
l'objectif recherché. Pour la production de
molécules d'intérêt la cellule
hôte est le plus souvent une bactérie ou un
champignon unicellulaire comme la levure de boulangerie. Il
est ensuite très aisé de cultiver cet
organisme dans de grandes cuves spécialisées
(appelées fermenteurs) et d'en extraire le produit
désiré. Mais l'hôte peut être un
organisme plus complexe, plante ou animal supérieur,
homme compris (cas de la thérapie génique).
Dans le cas des organismes supérieurs on distingue
deux types de transgénèse , la
transgénèse somatique quand le gène est
introduit dans des cellules différenciées et
la transgénèse germinale quand le gène
est introduit dans les cellules sexuelles (pollen, ovule) ou
dans l'uf après la fécondation et avant
la première division cellulaire. La
conséquence de ces deux types différents est
que la transgénèse somatique ne concerne qu'un
seul individu et n'est pas transmissible à la
descendance de l'individu. Au contraire de la
transgénèse germinale qui est elle
héréditaire et est transmise à la
descendance en suivant les lois de Mendel. La
thérapie génique chez l'homme est une
transgénèse somatique alors que le maïs
de Novartis est une transgénèse
germinale.
3/
introduire le gène dans le génome de
l'hôte
Pour cela il faut disposer de ce que l'on appelle en jargon
scientifique d'une technique de transformation. C'est
l'étape la plus délicate du système .
S'il n'y a pas de problème particulier pour les
bactéries (il existe un état physiologique
naturel appelée état de compétence ou
la bactérie est naturellement capable d'incorporer de
l'ADN exogène), pour les cellules dites eucaryotes
(champignons, plantes animaux), c'est un peu plus
compliqué.
- Animaux.
Paradoxalement c'est pour la transgénèse
germinale des animaux que c'est le plus facile, on
procède simplement par microinjection directe dans
l'uf à l'aide d'une microseringue, injection
réalisée grâce à un
micromanipulateur sous microscope. L'uf est
introduit ensuite chez une mère (au sens femelle
de l'animal hôte) porteuse pour un
développement normal. La transgénèse
somatique est par contre particulièrement
difficile, elle nécessite des outils
supplémentaires appelés vecteurs, ceux qui
sont actuellement les plus utilisés sont des virus
modifiés (rappelez-vous que les virus sont des
agents naturels de transgénèse
spontanée), les plus utilisés
dérivent des nombreux virus causant les classiques
rhumes. Mais il faut reconnaître que les vecteurs
actuels ne sont pas très performant. A
côté des expériences sur des animaux
entiers, il est aussi possible de transformer des
cultures de cellules animales (aussi simple que les
bactéries). Ces cellules peuvent être mises
en culture pour certains cas particuliers (pour produire
certains médicaments ou dans certaines
thérapies géniques où l'on
prélève des cellules au malades que l'on
transforme, cultive et réintroduit ensuite au
malade).
-
- Plantes.
On ne pratique que la transgénèse
germinale, mais avec des variantes. En effet les plantes
présentent une propriété
particulière à savoir que pour la plupart
des plantes on est aujourd'hui capable de
régénérer un individu complet
à partir de cellules en culture. Aussi il suffit
de transformer des cellules végétales et
ensuite de régénérer la plante pour
avoir une transformation de type germinale, la plante
régénérée transmettant les
caractères à sa descendance. La
transformation des cellules végétales est
par contre relativement complexe et beaucoup plus
difficile que celle des cellules animales ou
bactériennes. La technique la plus utilisée
aujourd'hui est celle de la biolistique. Technique qui
consiste à adsorber l'ADN sur des microbilles d'or
et ensuite d'introduire ces microbilles dans la cellule
par projection violente sur celle-ci, la cellule va alors
incorporer l'ADN et se diviser, on a alors en culture des
cellules végétales transformées.
Elles peuvent être utilisées telles quelles
ou passer dans le cycle de
régénérescence pour redonner la
plante complète.
Ou
sont les contraintes : techniques, financière ou
autres
Les
contraintes techniques sont aujourd'hui très faibles
voir quasi nulles. Construire des micoorganismes, plantes ou
animaux transgéniques, est aujourd'hui à la
portée de n'importe quel laboratoire de microbiologie
(pour les microbes), de physiologie végétale
(pour les plantes) ou de physiologie animale (pour les
animaux). L'équipement pour ce type
d'expérience est relativement simple et peut
être acheté par n'importe quelle
société de ce domaine y compris les PME. C'est
pour cela qu'il existe beaucoup de PME (startup) dans ce
domaine surtout aux USA mais aussi en Europe. Les
contraintes financières les plus
élevées viennent non pas des techniques de
transgénèse elle-même, mais du respect
des normes fixées dans les différents pays
pour éviter d'une part le risque de
dissémination accidentel des organismes
modifiés et le risque pour l'expérimentateur
(la recherche utilise ces techniques sur de nombreuses
maladies). Si ces contraintes sont plutôt bien
respectées dans les pays industrialisés (USA,
Europe , Japon), on ne sait pas si c'est le cas dans les
autres pays utilisant cette technologie (Chine, Inde,
Pakistan, Brésil, Argentine, pour ceux dont on
connaît quelque chose). A titre indicatif rien qu'en
France il existe déjà plusieurs milliers de
techniciens maîtrisant parfaitement ces technologies.
Certaines expériences sont même
réalisées au lycée aujourd'hui dans les
disciplines biologiques des lycées techniques
(préparation au BTS).
Que
fait on de cette technique
Il
y a deux grands domaines d'utilisation : santé et
agro-alimentaire.
1/
domaine de la santé
Toutes les protéines d'origine humaine
d'intérêt thérapeutique (hormones,
interférons, cytokines, facteur de coagulation
) sont dès aujourd'hui totalement produites par
des organismes transgéniques, soit des
bactéries (cas de l'insuline) soit des cellules en
culture (certaines hormones), soit dans le lait d'animaux
transgéniques (facteur 8 et facteur 9 pour les
hémophiles, produit par des brebis et des
chèvres transgéniques). L'utilisation de cette
technique est un grand progrès en terme de
santé car les produits obtenus de cette
manière sont d'une qualité bien meilleure, si
en 1984 la production des facteurs 8 et 9 (par
transgénèse) pour les hémophiles avait
été au point, il n'y aurait eu aucun cas de
sida chez les hémophiles, car les produits de la
transgénèse sont totalement exempts de virus
ce qui n'est pas le cas des produits d'extraction humains
(nous sommes tous des porteurs sains pour certains virus !),
de même il n'y aurait pas eu de cas de Creutzfeld
Jacob chez les enfants traités à l'hormone de
croissance. A côté de ces produits
pharmaceutiques, il y a aussi les vaccins, y compris ceux
pour les maladies infectieuses classiques. La plupart des
vaccins sont produits aujourd'hui par des micro-organismes
transgéniques. Il faut signaler que c'est un vaccin
qui a été le premier système
transgénique diffusé à grande
échelle dans la nature. Vous avez tous entendu parler
de la campagne de vaccination contre la rage des renards
sauvages. Cela a été réalisé en
larguant dans les zones de la pandémie rabique des
doses de vaccins (dissimulés dans des appâts)
obtenus par technique de transgénèse
(préparé par la société Pasteur
Mérieux). A côté de ces produits se
développe ce que l'on appelle la thérapie
génique en santé humaine. Cela consiste
à injecter un ADN dans les cellules de malades, cela
s'applique évidemment à l'ensemble des
maladies génétiques (plus de 3000 connues
à ce jour, dont les plus fréquentes sont en
France la mucoviscidose et les myopathies) mais aussi au
traitement de certains cancers et éventuellement de
certaines maladies infectieuses comme le sida (où des
pistes intéressantes sont en cours d'exploration). Il
s'agit dans ce cas de transgénèse somatique .
Aucun de ces traitements n'est encore opérationel,
les plus avancés en sont au stade des essais
cliniques. Si sur le papier il s'agit effectivement du
remède idéal pour ces maladies, la
réalisation pratique est plus complexe, car il s'agit
d'introduire le fragment d'ADN non plus dans une cellule
(transgénèse germinale) mais dans les
milliards de cellules du tissu à soigner chez
l'individu malade. Toute la difficulté réside
dans le vecteur chargé de transporter l'ADN dans les
bonnes cellules. Comme il semble utopique (en l'état
actuel) de réussir à transformer l'ensemble
des cellules concernées, il est probable que le
traitement sera chronique pour les malades. Il faut savoir
qu'il n'est pas nécessaire que toutes les cellules
soient saines pour que les symptômes de la maladies
disparaissent, un certain pourcentage de cellules saines est
souvent suffisant, par exemple dans le cas de
l'anémie falciforme, maladie génétique
héréditaire des globules rouges dont les deux
allèles sont codominant (allèle normale et
allèle malade " muté "), il existe donc 3 type
chez les porteurs ceux qui n'ont qu'un seul type
d'allèle, 100% normal ou 100% muté et ceux qui
sont à 50/50, or ces derniers sont tout à fait
normaux sans aucun symptôme de la maladie (ils sont
même naturellement résistant au paludisme). La
thérapie génique est donc une voie très
prometteuse pour toutes ces maladies, et dans ce cas
personne ne la conteste bien qu'il s'agisse de
transgénèse humaine. De plus il faut savoir
que se prépare le thérapie génique
germinale, dont les caractères seront transmissibles
à la descendance, elle est plus simple que la
somatique. Et il y a pour cela une demande forte des malades
qui ne veulent pas voir leurs enfants atteints de la
même maladie qu'eux.
2/
domaine agro-alimentaire
C'est le deuxième grand domaine d'utilisation de la
transgénèse. Au sein de ce domaine on peu
distinguer deux sous-domaines, celui des additifs produits
par des organismes transgéniques et celui des
organismes transgéniques eux-mêmes
destinés à l'alimentation.
- Cas
des additifs :
ces produits ne posent pas de controverse pour le moment
(peut-être par pur ignorance de leur existence). On
trouve parmi eux essentiellement les enzymes
utilisées comme auxiliaires technologiques dans de
nombreux procédés agro-alimentaires. Citons
comme exemple les 3 enzymes nécessaire à la
transformation de l'amidon en glucose (il se produit
ainsi environ 30 millions de tonnes de glucose par an au
niveau mondial, dont la moitié est utilisée
par l'industrie agro-alimentaire). Ces enzymes sont
aujourd'hui entièrement produites par des
micro-organismes transgéniques. Il en est de
même pour certains autres additifs comme certains
acides aminés (cas de la thréonine) ou de
certaines vitamines (cas de la B12). Si cette production
ne pose pas de problème c'est que le produit fini
ne contient pas de transgène, de ce fait il n'y a
aucune différence entre le produit fini classique
et celui obtenu à l'aide d'outil
transgénique, du glucose est toujours uniquement
du glucose quelle que soit sa méthode d'obtention.
Il existe quelques cas plus discutés : c'est
lorsque l'additif " transgénique " est susceptible
de se retrouver dans le produit fini, c'est le cas pour
certaines enzymes comme la présure utilisée
en fromagerie par exemple, et qui se retrouve dans le
fromage terminé.
-
- Cas
des aliments transgéniques :
il
s'agit des plantes et animaux transgéniques
destinés à la consommation humaine (les
fameuses OGM). Je parlerai surtout des plantes car pour
le moment il n'existe pas encore d'animaux
transgéniques destinés à la
consommation humaine (il y a bien eu une tentative de
porc transgénique en Australie, mais elle est
restée sans suite). Le seul domaine ou il pourrait
y avoir des animaux transgéniques rapidement est
celui de l'élevage laitier. On peut penser par
exemple que des vaches exprimant le gène de la BST
(hormone de la lactation) pourraient remplacer
avantageusement les injections de cette hormone (obtenu
par des bactéries transgéniques) telles
qu'elles sont effectués aujourd'hui (aux USA
uniquement, ou cette pratique est courante), de telles
vaches existent probablement déjà dans les
fermes laboratoire de Monsanto (la firme qui produit
déjà la BST). Que peut-on faire comme
plante transgénique ? j'aurais tendance à
répondre Tout.
-
- Quelle
sont les cibles actuelles
?
Il y a principalement deux types de cibles
recherchées : la résistance aux maladies et
aux insectes. La résistance aux maladies. Les
plantes aussi ont leur propre système "
immunitaire " de défense vis-à-vis des
maladies qui leurs sont spécifiques et il est
possible par les techniques de transgénèse
de les rendre résistantes à des infection
virales, bactériennes ou fongiques, c'est le cas
pour des variétés de riz déjà
cultivé en Extrême-Orient.
L'intérêt de ce type de
transgénèse est évident, la plante
étant naturellement résistante n'est plus
malade (au moins pour une maladie), ce qui entraîne
deux choses : d'une part un meilleur rendement (il n'y a
plus de perte liée à la maladie) et aussi
une diminution des traitements car il n'est plus
nécessaire de faire des traitements
préventifs ou curatif sur le champ. Quel
intérêt pour le consommateur ? c'est plus
difficile à cerner car la plante présente
les mêmes propriétés que la plante
non transgénique mais elle contient un gène
supplémentaire et donc au moins une
protéine supplémentaire qui sera
consommée. Il faut donc connaître
l'incidence de cette protéine sur l'homme qui la
consomme. Dans le cas des résistances aux maladies
les stratégies choisies sont selon moi totalement
sans danger pour le consommateur. En effet le plus
souvent il s'agit de faire produire par la plante une
protéine de l'organisme phytopathogène qui
sert d'inducteur aux systèmes de défenses
naturels de la plante. Or dans les champs de plantes non
transgéniques même traitées il existe
toujours un taux résiduel non nul de plantes
malades qu'il est impossible de séparer des
plantes saines, ce qui signifie que depuis toujours
(depuis que l'homme consomme ces plantes) il consomme
régulièrement des protéines de
l'organisme phytopathogène, donc celles qui sont
produites directement dans les plantes ne sont pas plus
gênantes que celles qui viennent de la maladie
elle-même. La résistance aux insectes. Dans
une démarche de même type, les semenciers
construisent des plantes résistantes aux insectes
ravageurs. C'est le cas du maïs Novartis
résistant à la pyrale. Pour cela ils ont
introduit dans le maïs le gêne d'une toxine
insecticide d'origine bactérienne, ce qui
entraîne la production de cette toxine dans le
maïs et lorsque la pyrale commence à attaquer
la plante elle est tuée par la toxine. Cette
toxine étant présente dans la plante elle
sera consommé par l'homme. Quelle est son
incidence, car là il n'y en pas dans les plantes
non transgéniques. Cette toxine est connue depuis
très longtemps et est largement utilisée en
traitement curatif des cultures de maïs classique,
elle est étudiée depuis longtemps et est
considérée comme totalement non toxique
pour l'homme (autrement elle n'aurait pas pu être
autorisée en traitement curatif). Par contre il
existe un risque environnemental, car en effet cette
toxine est normalement rapidement dégradée
dans le sol lorsqu'elle est ajoutée sur le champ,
mais là elle est produite en continu par le
maïs donc continuellement présente, cela peut
avoir plusieurs types d'incidence : entraîner une
surmortalité des lépidoptères
(insectes cibles de cette toxine) et d'autre part
favoriser l'émergence de souches de pyrale
résistantes donc qu'il sera beaucoup plus
difficile à contrôler y compris pour les
cultures non transgéniques. Par ailleurs la
plupart des plantes transgéniques actuelles
contiennent un gêne de résistance à
un antibiotique, cela n'a aucune utilité pour la
plante elle-même, ce n'est qu'un résidu des
méthodes qui ont servi à produire la plante
transgénique. Ce problème est en passe
d'être résolu. On en parle aujourd'hui car
arrivent sur le marché les premières
générations de plantes transgéniques
qui ont été mises au point il y a 10 ans
(compte tenu des délais d'autorisation qui sont
très long). Or, les techniques ont fait des
progrès et les nouvelles générations
de plantes transgéniques qui vont arriver sur le
marché sont totalement dépourvues de ce
type de gènes. Enfin dernier type de plantes
actuellement disponibles, celles possédant un
gène de résistance à un herbicide.
C'est probablement, selon moi, les plus gênantes
(pour faire un mauvais jeu de mot).
L'intérêt est évident pour
l'agriculteur. Il peut traiter son champ avec
l'herbicide, seuls ses semis transgéniques
pourront pousser, il aura donc un meilleur rendement
puisqu'il n'y a plus aucune compétition avec les
plantes de l'environnement qui sont détruites.
Quel est le risque ? Il est à nouveau
principalement environnemental, puisqu'il va y avoir une
pression de sélection pour favoriser l'apparition
de plantes résistantes à l'herbicide. Mais
de plus comme l'on reste au sein du monde
végétal il peut y avoir des transferts
horizontaux de gènes. C'est-à-dire des
croisements entre les plantes transgéniques et les
plantes sauvages apparentées. S'il n'y a pas trop
de risque avec le maïs en France (pas de maïs
sauvage chez nous), il n'en est pas de même avec le
colza ou la betterave pour lesquelles il existe des
variétés sauvages capables de se croiser
avec les plantes transgéniques, donc
d'acquérir par croisement le gène de
résistance et devenir elles-mêmes
résistantes, et de ce fait incontrôlables
puisque l'herbicide n'aura plus d'action. De plus les
plantes transgéniques peuvent devenir
elles-mêmes des " mauvaises herbes " pour d'autres
cultures.
Que
doit en attendre ?
Dans le domaine santé c'est clair que c'est
extrêmement intéressant puisque cela apporte
des solutions à des problèmes qui n'en n'ont
pas actuellement. Pour le domaine agro-alimentaire,
c'est plus discutable, car l'avantage est surtout une
augmentation de rendement, et en période de
surproduction est-ce vraiment utile ? la question peut
légitimement être posée. Ces techniques
entraînent une réduction des coûts de
production pour l'agriculteur et pour la firme productrice
de semences. Pour que cela soit admissible par le
consommateur il faut que le gain que cela apporte en terme
économique soit partagé, donc qu'il y ait une
baisse des prix à la consommation. On peut aussi
avoir un gain écologique avec les plantes
résistantes aux maladies car cela diminuera les
produits chimiques nécessaires pour la bonne
santé des cultures. Ceci est vrai pour les pays
industrialisés, par contre pour les pays en
développement la problématique est
différente, car ces pays sont loin d'avoir atteint
l'autosuffisance alimentaire et pour eux tout ce qui peut
augmenter la production est bon à prendre et les
plantes transgéniques risquent de devenir rapidement
la norme agricole. Ainsi les surfaces cultivées en
riz transgénique en Chine, bien que non connues avec
exactitude, sont probablement très importantes, et si
ces cultures donnent satisfaction dans un délai
relativement court (5 à 10 ans) il est probable que
la totalité des cultures de riz en
Extrême-Orient se fera avec des variétés
transgéniques.
Pour
conclure
Pour conclure La transgénèse est
arrivée à un tel stade de développement
qu'il est devenu quasi impossible de l'empêcher :
c'est facile, techniquement relativement bon marché
à réaliser, et présentant des
intérêts économiques. Dans la
société libérale qui est la nôtre
(qu'on le veuille ou non, il faut constater que c'est la
réalité), il y a tous les ingrédients
pour que cela continue de se développer. Comme les
scientifiques et les firmes sont (quand même)
plutôt respectueux de la loi, il faut canaliser ce
développement de manière à d'une part
minimiser les risques (le risque zéro n'existant pas)
et d'autre part informer le consommateur, de manière
à ce qu'il puisse choisir ce qu'il mange en toute
connaissance, pour ce qui est des applications
agro-alimentaires. Les applications dans le secteur
santé étant, elles, non contestables.
J'espère que cet exposé, encore trop long
quoique très succinct, vous aura permis de vous faire
une idée sur les OGM et les manipulations
génétiques.
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