Jeantou, le maçon creusois

Lea Védrine, est née à La Villeneuve en 1885 dans une famille de paysans et de maçon. Elle y mourut en 1971. Entre temps, elle fut institutrice puis inspectrice des écoles. Elle signa son oeuvre littéraire sous le nom de Georges Nigremont, petit clin d'oeil à l'autre Georges [Sand] et au village de Saint-Georges-Nigremont où elle passait ses vacances chez son grand-père. Ce sera sa seule fantaisie littéraire; coulée au moule de l'école de Jules Ferry, elle bannit le patois, l'exception culturelle, la décentralisation. La règle est au français, à la ligne républicaine et au jacobisme.

Son oeuvre la plus connue, "Jeantou, le maçon creusois" (Prix Jeunesse 1937), est un hommage à son grand-père Jean Védrine. Déformation professionnelle oblige, la vie des maçons s'efface souvent derrière un hymne aux bienfaits de l'instruction.

Le canton de Crocq est au coeur du roman. Nous allons en extraire quelques lignes, prétextes à une petite balade dans les communes évoquées dans l'ouvrage.

La numérotation des pages est celle de la re-édition de 1996 aux Editions De Borée.


"Ce petit, Jean Blanchon, Jeantou comme on l'appelait dans le village de Basville où habitait ma famille, à la bordure de Marche et de l'Auvergne, c'était moi, ..." (page 13)

L'église (XVème) possède une voûte sculptée. Elle est décorée de mosaïques de Nevers. A signaler, particulièrement, la chapelle romane de St Alvard.

"... je prenais le chemin de Crocq en dévorant un morceau de pain creusé d'un trou où ma mère avait niché un petit, tout petit morceau de fromage." (page 24)

Triptyque de St Eloi. Panneau de droite Crocq possède l'une des cinq lanternes des morts de la Creuse. Elle ne se trouve plus dans le cimetière; elle a été réutilisée comme clocheton de la petite chapelle de la Visitation.
Du château des Comtes d'Auvergne, restent deux tours permettant d'imaginer son importance. Les hauteurs du cimetière ouvrent un large panorama sur le plateau de Millevaches. Les restes des remparts, les petites rues engagent à la flânerie.
L'église St Eloi (XIXème) possède un retable en bois (XVIIème) et un très beau triptyque classé racontant vie de St Eloy (XVIème). Le dolmen placé sur le parvis, est une reproduction de celui du bois d'Urbe.

La bourgade fut longtemps réputée pour ses ateliers où l'on travaillait les peaux et les fourrures. A l'écomusée, une exposition rappelle cette époque et le pénible labeur des pelletiers.

De 1592, des paysans des environs de Crocq, se dressent contre la misère, les impôts, l'insécurité. Des centaines d'hommes rejoignent la révolte des "crocquants". Ils feront trembler la région jusqu'en 1596, avant d'être décimés. Toutefois, il est peu probable que le nom de Crocq soit à l'origine du mot "crocquant", qui désigne plutôt un paysan muni d'un "croc".

"A La Villeneuve, ils ont un très bon maître d'école qui fait très bien apprendre et qui ne prend pas trop cher" (page 26)

Maison natale de Léa VédrineNous sommes en 1830, l'école n'est pas encore publique, gratuite et obligatoire.

Nous voici dans le village natal de Georges Nigremont. La maison qu'elle y habitait est toujours là.

L'église Ste Radegonde est meublée de boiseries du XVIIIème siècle venant de l'église St Amable à Riom dans le Puy de Dôme. De la place de l'église, on découvre un panorama sur les contreforts des Monts d'Auvergne et la vallée de la Tardes.

"Saint-Oradoux[-près-Crocq] est tout de même à quatre kilomètres de La Villeneuve" (page 31)

L'église du XIIème possède un clocher-mur et une Pieta de XVIème.

Des promenades permettent de découvrir la Vallée de la Tardes.

"..., il avait dû obéir aux hommes de loi et donner à son créancier, un riche propriétaire de La Villetelle, ce champ, son seul bien." (page 41)

Au XVIIème siècle, La Villetelle était un important relais de poste sur la route de Clermont-Ferrand. La Villetelle a remplacé la Celle-Barmontoise comme chef-lieu de la commune. L'église St Laurent date du XIXème.

Le château de Lavaud-Promis (propriété privée) appartint à l'écuyer François de Lavaud (XVIème siècle).

"...; malheureusement, il était tombé malade et s'était retiré avec sa femme chez une de ses filles, à Magnat[-l'Etrange]" (page 43)

Les deux clochersRien de mystérieux dans ce bourg; il doit son nom aux deux familles qui l’ont possédé au fil des siècles, les "Magnat" et les "de Lestrange".

L'église de style roman, mérite un coup d’œil pour son double clocher-mur, très rare, son retable du XVIIème siècle et son abside pentagonale. Ce double clocher fait l'objet d'une légende: "Avant de partir en croisade, le seigneur de Magnat fit voeu, s’il revenait vivant, de payer un clocher pour l’église. Mais son absence se prolongea et sa femme, le tenant pour mort et désirant se remarier, fit construire le clocher promis par son mari. Mais le seigneur revint d’Orient quelques temps après. Ayant promis le clocher, il en fit construire un second."

Le château de Magnat se trouve juste à côté de l’église. Ses pierres du Moyen-Âge et de la Renaissance tombent aujourd’hui en ruines.

"Bourgeon, l'épicier de Flayat, un homme jeune, dégourdi, qui passait à Basville deux fois par semaine ..." (page 43)

L'église St Martin (XVIème) est de style gothique.

A Salesse, la chapelle St Clair (XVIIème) possède une croix remarquable et une statue de St Clair en bois. Tout près, se trouve la Fontaine St Clair dont l'eau miraculeuse est réputée guérir les maladies des yeux (pèlerinage le 2 juin).

L'étang de la Ramade, avec ses nombreux aménagements, attire pêcheurs et vacanciers.

"Pour aller à la grande foire grasse de Felletin où les jeunes filles en beaux habits aiment se faire voir ..." (page 61)

Eglise du MoutierFelletin garde vivante la mémoire des Maçons de la Creuse avec l'Ecole Nationale des Métiers du Bâtiment.

La richesse du "Berceau de la Tapisserie" est hélas trop méconnue. Le curieux clocher (XVème) de l'église du Moutier (XIIème) domine la ville; témoignages rares, les fresques de l'église ont été réalisées par des lissiers.

En flânant dans les rues, le visiteur découvre les maisons du XVème et du XVIème siècle, l'église Notre-Dame du Château (XVème) de style languedocien, la Chapelle Bleue, la Chapelle Blanche, le jardin du cloître, la lanterne des morts du XIIème, ... La famille de Philippe Quinault, qu'une fontaine honore, serait d'origine felletinoise Il est l'auteur des paroles de la chanson "Au clair de la lune", mise en musique par J-B. Lully.

Chaque année, au mois d'août, le Festival des Folklores de Monde, par ses spectacles de qualité, attire un public enthousiaste.

"Jusqu'à Auzances, je connaissais bien le pays" (page 73)

En 1640, le pape offrit au curé de la paroisse une Descente de Croix peinte par Voltera. Ce peintre s'est rendu célèbre en "rhabillant" les oeuvres dénudées du Vatican ! L'église abrite également une piéta de petite taille mais remarquable d'émotion. Il y a quelques années, le peintre Nicolas Grescheny a décoré l'église de fresques rappelant le style des icônes des églises orientales.

La place est dominée par une maison bourgeoise du XVIIème avec deux tourelles carrées.

Près du village du Coux se trouvent les vestiges d'une villa gallo-romaine; quelques pavages et mosaïques sont encore visibles ainsi que les traces des murs. Une exposition archéologique est organisée dans l'ancienne chapelle Ste Marguerite (XVIIème).

Le parc animalier du Coux (64 ha) accueille cerfs, daims et autres animaux.

Jean Beaufret, titulaire de la chaire de philosophie au lycée Condorcet à Paris, spécialiste renommé de Heidegger, est né à Auzances.

"Sa grande salle était déjà pleine de maçons venus de Saint-Bard, de La Villetelle, de La Mazière[-aux-Bons-Hommes]." (Page 74)

L'étrange nom de cette commune est issu d'une ancienne communauté de moines; venus de l'abbaye de Grandmont (près de St Sylvestre, Haute-Vienne), ils avaient ouvert un nouveau monastère aux portes de l'Auvergne. C'est là, qu'entre matines et vêpres, rassemblés autour de leur four à pain, ils pétrissaient le célèbre gâteau "Le Creusois".

Le monastère a disparu, le gâteau est devenu une affaire commerciale. Reste encore l'église du XIXème et le Château de Cherbaudy (domaine privé) où se trouvait la retraite des moines.

"On peut bien attendre d'arriver à Evaux, dit-il sagement. Le dîner est commandé chez Jarraud." (page 74)

ClocherLa belle église abbatiale (XIème-XIIème) se signale par son clocher à cinq étages. L'emplacement de l'abbaye est occupé par un jardin. L'établissement thermal remontant à l'antiquité (Evaonum) est le seul de la région Limousin. Depuis 2000, Evaux possède aussi un casino municipal ouvert toute l'année.

Chaque été, un rallye de voitures de collections, la "Virad'a Creusoise", rend hommage à Charles Trépardoux, constructeur de voitures (1882) et enfant du pays.

"Mon oncle enfin donna le signal du départ et, notre troupe, grossie, s'ébranla et quitta Mérinchal." (page 74)

C'est ici que le Cher prend sa source. L'église romane est précédée d'un portail du XVIIème. Dans la chapelle du Calvaire se trouve un retable classé du XVIIème. Un antique cadran solaire est fixé sur l'un des contreforts.

Au château de la Mothe (XIIème, propriété privée) se tiennent des expositions saisonnières et des animations ponctuelles.

Outre l'étang de Mondeyraud, le visiteur peut flâner dans le jardin de l'Herberais (le Lac), et celui des Herbes de Vie (Mercin). Ce dernier produit et conditionne toutes sortes de plantes aromatiques et de tisanes.

"... Lauradoux, un maçon de Saint-Bard qui avait mieux aimé vendre chopine et prendre des ouvriers en pension que manier la truelle." (page 98)

L'église St Blaise (XIIIème) possède un clocher-mur

Les fontaines de St Cibare et St Blaise étaient réputées pour leur tradition miraculeuse.

"Le signal du Coudreau, [...] c'est un puy, près de Gentioux, sur lequel se dresse, aujourd'hui encore, la haute statue de Notre-Dame du Bâtiment, ..." (page 85)

Gentioux rend hommage à ses enfants morts pendant les guerres à l'aide d'un monument qui fit longtemps scandale: le poing levé vers la liste des morts, un enfant maudit la guerre.

N-D. du BâtimentL'église templière du XIIème, plusieurs fois remaniée possède dans le choeur un bas relief représentant l'écu de Louis d'Aubusson, commandeur de l'Hôpital en 1421.

Nous sommes ici au pays des tailleurs de pierre; leurs oeuvres décorent le bourg et le cimetière.

Pont de SenoueixEntre Gentioux et Pigerolles, le village du Pallier est un haut lieu templier en Creuse. La chapelle date du XIIème; elle possède un clocher-mur du XVème. Derrière l'église, dans le cimetière, on peut admirer une croix biface et plusieurs pierres tombales du XVIème. Un jardin médiéval abrite des essences rares et des plantes orientales.

Gentioux-Pigerolles est la seule station de ski du département; elle possède trois pistes de ski de fond. C'est sur le territoire de cette commune que la Maulde prend sa source avant d'alimenter le lac de Vassivière. Enfin, il ne faut pas quitter Gentioux sans aller voir les ruines du célèbre pont romain de Senoueix sur le Taurion.

"La foire de Vallière venait de finir. Ils se trouva que tous trois y étaient allés." (page 90)

Place de l'égliseSur la place principale la fontaine est surmonté du buste de Pierre d'Aubusson surnommé le "bouclier de la chrétienté" après son combat contre les musulmans pour défendre Rhodes. Il fut nommé cardinal et élu grand maître de l'Ordre des Hospitaliers de St Jean.
L'église Saint-Martin-de-Tours a été construite au XIIIème siècle et rénovée au XVème. Devant l'entrée à gauche du portail, un lion de granit terrasse un homme.

De nombreuses personnalités du cinéma ou de l'automobile possèdent un pied-à-terre à Vallière et dans ses environs. C'est ce qui vaut à la commune, le nom de "Saint-Tropez creusois".

"... les gens du nord de la Creuse, ceux de Genouillat, de Bonnat ou de Dun-le-Palleteau ..." (page 117)

Viaduc de GenouillacPoste frontière entre le Berry et la Marche, limite culturelle entre la langue d'oïl et la langue d'oc, Genouillat au nord de la Petite Creuse et Genouillac au sud. Aujourd'hui, la commune a définitivement choisi la terminaison en "ac"!

Genouillac possédait un château entouré de fossés qui contrôlait ce poste frontière important entre les terres de France et d'Angleterre; les guerres successives en ont fait disparaître toutes traces. L'Eglise fortifiée (XII-XIVème) possède, dans son mobilier, un fer à hosties du XIIIème siècle.

Au dessus de la vallée de la Petite Creuse, le viaduc abandonné de la ligne déclassée "Guéret-La Châtre" déploie ses seize arches de granit.

L'église de Bonnat (XIIIème) est connue pour les fortifications du chevet ajoutées au XIVème. Elle possède un beau retable en bois de style baroque (XVIIIème). Des sarcophages mérovingiens y sont exposés.

Fontaine et oratoire St Sylvain.

L'étrange nom de Dun-le-Palleteau serait une déformation médiéval du nom d'origine. En 1952, Emile Genevoix, maire de Dun-le-Palestel, fit rendre à la commune son nom d'origine. Pharmacien, il était cousin avec Maurice Genevoix.

Fontaine de DunetL'église, reconstruite au XXème, possède un Christ en bois polychrome du XVIème.

Le bourg très vivant (foire, marchés, prix cycliste, concerts, comice agricole, kermesse, ensemble vocal, ...) a été plusieurs fois récompensé pour son fleurissement.

La façade de la maison de retraite a conservé, de l'ancien hospice, le très beau portail du XIIIème siècle. Une station de monte des haras nationaux est installée sur la commune.

Dans le quartier de Dunet, près du lavoir, se trouve un abreuvoir-fontaine trilobé, taillé dans un seul bloc de granit.

"... un de mes camarades, Paslin, de Néoux, qui partageait notre chambrée, ..." (page 118)

La petite église (XIII-XIVème) possède une nef à deux travées. Le clocher carré a remplacé un clocher-mur. Un cippe gallo-romain (pierre funéraire) est visible au village de Mazeaublanc.

Néoux est surtout célèbre pour son menhir anthropomorphe (1500 av. JC). On y voit clairement le dessin d'une face humaine et d'un bras.

"Un entrepreneur de Guéret, Bonnavaud, voulut nous voir au travail." (page 157)

Place BonnyaudMusée de la SénatorerieEn quittant la place Bonnyaud, où tout la ville converge, il faut visiter l'Hôtel des Moneyroux, actuellement siège du Conseil Général, l'Hôtel de Ville qui, bâti en pierres de taille, témoigne du savoir-faire de nos maçons, le Musée du Présidial consacré à la Creuse traditionnelle, et, toute proche, la cathédrale St Pierre-St Paul enclavée dans les vieilles maisons du quartier St Pardoux.

Dans son superbe jardin, le Musée de la Sénatorerie cache des collections exceptionnelles dont la richesse est trop méconnue: peinture, (Ingres, Sisley, ...), tapisseries anciennes, sculptures, orfèvrerie médiévale, archéologie départementale, mobilier, ...

"J'allai à Aubusson avec mon futur beau-père, acheter une vache pour le repas de noce qui devait se faire à Fernoël, ..." (page 211)

Cette ville, d'un art mondialement reconnu, est aussi étonnement jeune et vivante. Le promeneur remarquera ses jolies maisons anciennes et ses ponts sur la Creuse. S'il est un peu plus curieux, il ira visiter le Musée Jean Lurçat et la Maison du Tapissier. S'il est un peu plus avisé il grimpera les rues jusqu'à l'église Ste Croix (XIIIème) et son école d'orgue réputée. S'il est bon marcheur, il ira voir la Tour de l'Horloge, la Chapelle St Jean, le site du Chapitre où résidaient les vicomtes d'Aubusson.


Bibliographie de Georges Nigremont:

  • Jeantou, le maçon creusois (1937 - Ed. de Borée 1996)
  • Comtes et légendes de l'Auvergne, de la Marche et du Limousin (1940)
  • La Bru (1951)
  • Le prisonnier des Brages (1954)
  • Zizim, le prisonnier de la tour (1958)
  • Jean Parizet, tapissier d'Aubusson (1962)
  • Le souterrain abandonné (1966)
  • Les baladins du roi (1968)

encreuse.com
19-aoû-05

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Rédaction:
Alain Tixier
(novembre 2002)


Crédit photos: Christine et Alain Tixier. Luc Nadaud (Pont de Senoueix, Notre-Dame du Bâtiment, Magnat-l'Etrange), Jean-Noël Saintrapt (La Villeneuve), Ministère de la Culture (Crocq)